Chronique: SEASONAL AFFECTIVE DISORDER au Théâtre du Lucernaire

SEASONAL AFFECTIVE DISORDER  au Théâtre du Lucernaire. De Lola Molina, Mise en scène de Lélio Plotton jusqu’au 31 mars.

 

Il faut se hisser jusque sous les toits du Théâtre du Lucernaire, en empruntant un étroit escalier en colimaçon , pour pouvoir accéder à cette petite salle appelée  » Le Paradis  » afin de découvrir ce spectacle. Mais le paradis, ça se mérite.

Le titre en anglais, fait référence à un trouble dû à un manque de lumière qui dérègle la production de mélatonine et de sérotonine. Mais ici,  » Tant que le soleil ne se lève pas vraiment, on n’a rien à craindre » . Qu’ adviendra-t-il quand le soleil se lèvera enfin ?

 

Un road movie théâtral

 

Cette pièce de Lola Molina est construite sur un mode inattendu au théâtre, celui du road-movie. Elle semble reprendre le canevas archétypal et maintes fois exploité de Bonnie and Clyde, à la seule différence qu’ici, Dolly n’a que quatorze ans et que Vlad lui, a dépassé la quarantaine.

Un soir, dans un bar, ces deux-là vont se croiser. Elle dit avoir 19 ans, il croit qu’ « il porte malheur », il lui propose un toit pour la nuit, et ils se retrouvent dans un Etap- hôtel, Porte de Bagnolet. Elle est soupçonnée d’avoir tué une copine dans les toilettes du lycée et quant à lui, son passé ne semble pas des plus nets. Le lendemain, il apprend qu’elle est recherchée. C’est alors que pour fuir la police, ils se lancent dans une équipée sauvage vivant d’expédients, de braquages où le sang va aussi être versé car les flics sont à leurs trousses. Ils se dirigent vers le Sud. Ils dorment dehors, dans la voiture, mais aussi dans un bungalow car ils rêvent d’avoir une maison.

 

La magie du théâtre

 

En effet, dans la simplicité quasi nue du plateau, sans aucun décor, sans aucun accessoire, nous suivons la cavale de ces deux-là. Un simple écran suffit pour accompagner cette fuite éperdue. Des images de routes, de paysages ou encore des images abstraites de matières couleur de sang ou d’encre en accord avec les évènements et les états intérieurs des personnages, y sont projetées.. La dispersion des sources sonores contribuent à donner l’impression de déplacement dans l’espace restreint de cette salle. L’écriture laisse toute sa place à l’imaginaire du spectateur.

 

Un couple d’acteurs incandescents

 

Dolly, Anne-Lise Heimburger et Vlad, Laurent Sauvage. Elle incarne avec sa blondeur, une Dolly juvénile, fragile mais aussi une femme dure, sauvage et complètement incontrôlable. Elle ne connaît pas la contrainte. Elle est touchante quand elle écrit ses poèmes mais elle peut tout aussi bien tirer sans aucun scrupules. Anne-Lise Heimburger est à la fois une enfant et une femme.

Laurent Sauvage avec un jeu épuré, plus distant est tout aussi puissant. Il a déjà vécu par rapport à cette enfant et pourtant, il s’engouffre à corps perdu dans cette passion qui le dépasse. Laurent Sauvage, par sa seule présence, sans prononcer aucune parole, habite Vlad, en nous faisant ressentir la souffrance de ce personnage chez qui amour et désespoir se côtoient.

Rien de pervers dans cette passion folle mais une espèce de rage et de désespérance.

 

Dans cette pièce hantée par le cinéma ( on pense à Pierrot le Fou37°2 Le Matin ) découpée comme un scénario, les deux comédiens nous emmènent jusqu’au bout de leur nuit amoureuse et tragique où le soleil se lève enfin, sur l’aube de leur mort. Ils nous laissent ainsi, complètement chavirés en nous ayant fait partager, jusqu’à l’ultime instant, leur équipée sauvage.

 

DEUX COMEDIENS DONT LA PRESENCE EST HYPNOTISANTE

 

SEASONAL AFFECTIVE DISORDER  au Théâtre du Lucernaire. De Lola Molina, Mise en scène de Lélio Plotton jusqu’au 31 mars.