Chronique: L’AVENIR DURE LONGTEMPS à La Maison des Métallos

L’AVENIR DURE LONGTEMPS à la Maison des Métallos jusqu’au 25 mars. D’après L’avenir dure longtemps de Louis Althusser . Adaptation et mise en scène Michel Bernard , avec Angelo Bison.

 

Le 16 novembre 1980, Louis Althusser, célèbre philosophe marxiste, communiste convaincu, professeur à l’Ecole Normale Supérieure, étrangle sa femme, la sociologue, Hélène Rythman. Il est reconnu  » non responsable  » de son acte car selon l’article 64 du Code pénal  » Il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits «  . A son grand dam, en février 1981, la justice le déclare dément, au moment des faits, le privant ainsi d’un procès. Il sera interné à Sainte Anne.

 

Une plongée dans la nuit

 

Cinq ans plus tard, Louis Althusser entame une autobiographie qui ne sera publiée qu’en 1992, après sa mort et dont l’enjeu était de retrouver une identité et  » redevenir responsable de sa vie « . Il souhaitait soulever  » la pierre tombale du silence » posée sur lui, depuis les faits. On dit également que c’était après avoir lu un article écrit par Claude Sarraute, le 14 mars 1985, dans  Le Monde sur ce japonais, Issei Sagawa qui avait tué et mangé une jeune néerlandaise et qui , après un séjour en H.P, avait été renvoyé dans son pays en ayant bénéficié d’un non-lieu.

 » Nous les media, dès que l’on voit un nom prestigieux mêlé à un procès juteux,comme celui d’ Althusser…, on en fait tout un plat. La victime ? elle ne mérite pas trois lignes. La vedette c’est le coupable » . Ulcéré, Althusser décide de protester d’où,  L’avenir dure longtemps.

En fait, dans ce livre autobiographique que Michel Bernard a adapté pour la scène, le philosophe revient sur les signes annonciateurs de la catastrophe afin de « redevenir responsable de sa vie ». On écoute le récit de sa vie, ponctuée de nombreux séjours dans les institutions psychiatriques où les électrochocs sont légion. On entre dans l’intimité la plus profonde de sa sexualité. On découvre sa mère abusive. Sa rencontre avec Hélène et son impossibilité d’aimer véritablement. Il dévoile également toute sa perversité diabolique dans sa relation avec Hélène, ses infidélités en la prenant à témoins. Bien sûr, il est aussi question des crises maniaco-dépressives de cette personnalité effrayante et complexe.

En aucun cas, il tente de se justifier mais il rend compte plutôt, de sa plongée dans la nuit.

 

Une interprétation magistrale

 

D’emblée le spectateur est plongé dans l’ambiance glauque d’un hôpital psychiatrique. Pour cela, une simple toile blanche dressée au-dessus d’un sol avec de petits cailloux de part et d’autre. Angelo Bison monte sur scène, s’assoit sur un tabouret, et pendant une heure trente, il nous subjugue, du début jusqu’à la fin. Le regard halluciné du comédien complètement habité par son personnage, ne nous lâchera plus. Il incarne la folie avec un réalisme surprenant.

Progressivement, on glisse dans la folie du philosophe avec, ce qui est encore plus troublant, des moments où il fait preuve d’une hyperconscience, l’amenant à ironiser sur son propre personnage. Les propos sont crus, durs voire effrayants et en même temps, la souffrance de cet homme nous touche.

Le travail du comédien sur la voix nous permet de traverser tous ces états. Il est fascinant dans ce travail de véritable équilibriste, passant du grave à l’aigu, du murmure presque à l’explosion de la souffrance.

On ne ressort pas indemne de ce spectacle. Le destin de Louis Althusser est bouleversant et la prouesse de comédien d’ Angelo Bison est magistrale.

 

A VOIR ABSOLUMENT .  UNE PERFORMANCE HALLUCINANTE

 

L’AVENIR DURE LONGTEMPS à la Maison des Métallos jusqu’au 25 mars. D’après L’avenir dure longtemps de Louis Althusser . Adaptation et mise en scène Michel Bernard , avec Angelo Bison.