Chronique: Vous n’aurez pas ma haine

Le 13 novembre 2015, Antoine Leiris, journaliste et chroniqueur culturel à France info est seul chez lui, avec son fils de 17 mois Melvil quand il reçoit ce message  » Vous allez bien ? « . Il allume la télé et comme pour beaucoup, ce soir-là, sa vie bascule. Sa femme, Hélène, était au concert du Bataclan.

Trois jours, après les attentats, alors qu’il vient d’identifier le corps de sa femme, il publie sur sa page facebook, un court texte:  » Vendredi soir, vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine « . En mars 2016, il publiera son premier livre, Vous n’aurez pas ma haine. Depuis le 13 novembre 2015, il a rencontré celles et ceux qui s’appliquent à continuer à vivre et à reconstruire une vie « pour ne pas donner raison aux terroristes, mais aussi pour donner un sens à des vies qui n’en avaient plus ».

Benjamin Guillard a adapté ce récit bouleversant avec beaucoup de tact.

 

Comment faire de ce témoignage un objet de théâtre ?

Benjamin Guillard qui avait accompagné Emmanuel Noblet dans la mise en scène du roman de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, est parvenu à éviter tout spectaculaire pour mettre en voix et en espace ce témoignage. Aucune recherche de surplus d’émotion. Sur le plateau, quelques chaises de jardin et derrière un rideau de voile, la pianiste Lucrèce Sassella joue les compositions d’Antoine Sahler. Sur le mur du fond, des indications temporelles sont projetées. Peu d’effets car c’est avant tout la parole qui nous est offerte, la parole d’ Antoine Leiris, portée par le comédien Raphaël Personnaz.

 

Comment parvenir à faire vivre les mots ?

En effet, il ne s’agit pas pour Raphaël Personnaz d’incarner l’auteur de ce témoignage. Il se met au service de ce témoignage avec son humanité à lui. Il reprend jour par jour le récit d’ Antoine Leiris. Comment faire pour continuer à vivre ? Comment faire pour continuer à élever un enfant à qui on a arraché sa maman ? Tous les mots traduisent l’absence, la découverte de la mort, l’acceptation car c’est un hymne à la reconstruction mais aussi aux faiblesses.

Tout cela le comédien nous le donne à entendre, nous le fait vivre par son corps. Il parvient même à nous faire rire quand il évoque le débordement d’amour des autres mamans à la crèche, se manifestant avec force soupes préparées pour le petit Melvil.

Un jeu tout en délicatesse et pudeur . Pendant une heure 30, nous sommes portés par les mots d’Antoine Leiris, par la voix et la présence de Raphaël Personnaz. C’est une ode à vie.

A voir absolument !