Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre Rive Gauche

Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre Rive Gauche jusqu’au 19 mars. Ecrit et mis en scène par Jean-Philippe Daguerre.

 

Très justement récompensé par 4 molières dont celui du meilleur spectacle privé, cette pièce nous plonge en pleine occupation allemande. En effet, nous sommes en 1942, à Paris, sous le régime du Maréchal Pétain qui oblige les juifs à porter l’étoile jaune.

 

Une troublante négociation

 

Un bijoutier juif, Joseph Haffmann va faire une surprenante proposition à son employé, Pierre. Après avoir envoyé toute sa famille en Suisse, Joseph propose à Pierre de tenir sa bijouterie. Un marché est conclu entre les deux hommes : Pierre cachera son patron dans la cave d’où il surveillera de loin les affaires et, en échange Joseph fera un enfant à la femme de son employé, Pierre qui se désespère de sa stérilité. Une telle négociation dans ce contexte troublé a de quoi troubler, mais d’emblée on est immédiatement happés par cette situation parce que Jean-Philippe Daguerre a le don de nous y faire croire.

 

Une pièce en forme de thriller

 

Construite en courtes séquences ultra efficaces, cette pièce se présente sous forme de thriller où évoluent, dans leur quotidien, des Français de cette époque qui ne sont ni des héros ni des collabos. A tout moment, cependant, chacun est susceptible de basculer à cause de la peur, de la menace dans ce climat de nazisme, d’antisémitisme et aussi de marché noir.

Le décor est sobre et fait alterner le côté appartement qui est limité à la cuisine et la cave où se cache Joseph. La relation entre les 3 va d’ailleurs progressivement se dégrader. Isabelle, l’épouse de Pierre doit rejoindre plus souvent que prévu, Joseph à la cave car elle n’est toujours pas enceinte. Pierre quant à lui, remporte de plus en plus de succès auprès des dignitaires nazis, avec ses créations de bijoux . La jalousie, le doute s’installent pourtant chez Pierre. La méfiance commence à envahir Joseph et, quant à Isabelle, elle ne peut supporter ce rapprochement avec les nazis jusqu’à cette dernière scène formidablement construite où le couple se retrouve obligé de recevoir à dîner l’ambassadeur du reich en France, Otto Abetz.

 

Huis clos riche en rebondissements

 

J.P Daguerre parvient à mener le suspense à son comble et à ne pas délaisser l’humour dans la dernière scène intense et inattendue, grâce au personnage de la femme du nazi, à la fois hilarante et glaçante.

La réussite de ce spectacle est due à l’écriture, la mise en scène, l’excellence des comédiens, Gregori Baquet, Franck Desmedt, Alexandre Bonstein, Julie Cavana, Charlotte Matzneff qui expriment avec finesse, l’humour, les blessures, les non-dits, les sentiments ambivalents. Dans ce huis clos riche en rebondissements, il n’y a aucune leçon de morale, aucun manichéisme, ni gentils, ni méchants. L’auteur et ses interprètes nous montrent de simples êtres humains qui cherchent à ne pas trop se blesser dans un contexte historique difficile.

Et surtout ils nous font comprendre l’impossibilité de l’innocence.

 

UN SPECTACLE A NE RATER SOUS AUCUN PRETEXTE. QUALITE DU TEXTE. EXCELLENCE DES COMEDIENS

 

Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre Rive Gauche jusqu’au 19 mars. Ecrit et mis en scène par Jean-Philippe Daguerre.